mercredi 13 mai 2020

Conjecture

La période est au flou le plus total. La situation d'une semaine n'est pas vérité pour les mois à venir. C'est pourquoi le déconfinement se veut progressif et que le gouvernement a aussi en tête un éventuel retour au confinement si la situation tourne au vinaigre. Il est donc facile de se perdre en conjectures si on veut préparer des événements à moyen ou long terme. Les exemples sont nombreux, que ce soit pour la préparation des élections municipales (faut-il faire rapidement le second tour en appliquant les mêmes règles que dans les magasins ou faut-il remettre à plus tard et relancer une nouvelle campagne électorale avec tous les risques sanitaires et financiers que ça implique ?), pour la préparation de la saison 2020 - 2021 dans les différents lieux de culture (théâtre, concerts, musées, etc.) ou plus prosaïquement pour la préparations des vacances d'été (voyage ou pas, animations pour les enfants).

A la maison la question se pose pour Docteure. Enseignante-Chercheuse à la fac, sa ministre de tutelle a déjà annoncé qu'il fallait étudier la possibilité d'une rentrée de septembre avec des cours magistraux à distance pour éviter la proximité physique dans des amphis avec plusieurs centaines d'étudiants. L'idée est intéressante, la date butoir est suffisamment éloignée pour avoir le temps de préparer quelque chose de correct. Pourtant l'exercice est ardu à cause des nombreuses hypothèses et autres questions à prendre en compte à côté.

Un cours à distance n'est pas qu'un simple cours filmé. Le rythme doit être adapté, des supports sont à privilégier et d'autres à proscrire. Cette préparation va demander un temps considérable. Tout ça pour rien si en septembre on se dit qu'une rentrée normale peut avoir lieu dans les universités. Faire un travail pour le mettre à la poubelle, j'y suis habitué puisque dans l'informatique la moitié des projets ne voient pas le jour. Même avec l'habitude, ce n'est jamais agréable de travailler pour rien ou de faire du travail en double...

Si la normalité n'est pas de mise en septembre, alors pourquoi interdire les amphis et pas les TD ? Dans les TD de Docteure, les étudiants sont parfois 40. Le nombre est surement trop élevé pour accueillir tout le monde. Faudra-t-il faire également des TD à distance ? Faudra-t-il doubler les groupes de TD pour atteindre un nombre sanitairement acceptable ? Mais dans ce cas, comment assurer toutes les heures de cours que ça implique ? Et si le TD se fait à distance, comment faire pour assurer les échanges entre le professeur et les élèves ?

La mise en place de cours à distance ne peut que me paraître une bonne idée. On y prévient les crises futures, on permet aux étudiants d'avoir accès aux cours même en cas d'absence (que ce soit pour maladie ou car ils sont partiellement pris par un boulot étudiant pour payer leurs études, ou parce qu'ils ont la flemme de venir le vendredi matin à 8h). En contrepartie, il est nécessaire de s'assurer que tous les étudiants aient un bon accès à internet, a minima dans des salles dédiées à l'université avec des horaires d'ouverture et un nombre d'équipements suffisants.
Il faut aussi s'assurer que les professeurs soient suffisamment armés pour préparer ces cours. Tous les professeurs n'ont pas reçu une formation pour assurer des cours en utilisant des supports informatiques. D'autres (potentiellement les mêmes) n'ont même pas d'équipement informatique chez eux pour préparer ces cours, notamment ceux qui ont l'habitude de travailler dans leur bureau à l'université.
Il faut surtout qu'il y ait une vraie prise de conscience des directions d'université ou du ministère de l'enseignement supérieur. Il est nécessaire de faire un choix le plus tôt possible pour établir quoi qu'il arrive une ligne directrice. Il est aussi nécessaire de prendre conscience de l'effort que ça implique, des impacts que ça peut avoir sur la charge de travail, sur l'avancée des autres travaux de recherche. Ces travaux sur les cours à distance seront surement bénéfiques à beaucoup de monde, y compris dans la renommée de l'université, y compris à l'étranger.

Ce que nous enseigne cette crise (et le comportement de notre gouvernement en est la terrible illustration), c'est que pour éviter que tout le monde se perde en conjectures, que les hypothèses les plus folles soient annoncées ou que l'interprétation de chacun ne crée de faux espoirs, il est nécessaire d'avoir des décisions claires et savoir s'y tenir. C'est toujours la meilleure façon pour aborder l'avenir avec plus de sérénité et éviter un parfait désordre.

2 commentaires:

  1. Ayant dû moi-même adapter des cours en petits groupes de 20 personnes max du format présentiel au format en ligne en quelques jours, je suis d'accord que c'est du temps, ça demande de tester plein d'outils pour sélectionner ceux qui correspondent le mieux à notre objectif et qui aident les étudiants à ne pas s'endormir et être aussi actifs qu'en classe. Malheureusement ce travail n'a pas été valorisé ni payé et je pense que les décideurs ne se rendent pas compte de l'ampleur de la tâche si on veut faire de la qualité.

    Je vois donc très bien le challenge pour mettre en place des TD de qualité en ligne. En revanche, à moins que les cours magistraux aient bien changé depuis mon époque d'étudiante en LLCE Anglais, je ne vois pas trop de challenge pour ce type d'enseignement. Au contraire! Mon expérience des cours magistraux est un prof qui parle non stop pendant 1 heure et les étudiants écrivent ce qu'ils peuvent. C'est donc assez facile de s'enregistrer en train de dire son CM et le mettre en lignf et l'étudiant peut même faire pause quand il en a besoin.

    Je pense que j'aurais aimé avoir mes cours magistraux enregistrés avec un espace possible pour des questions : une permanence ou un forum. Mais à mon époque les questions en CM n'étaient pas la norme.

    Et mon espoir, c'est que ce passage obligé en ligne nous obligera à moderniser notre enseignement en le rendant toujours plus accessible.

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    1. Pour les CM, on y travaille. Ils sont clairement passés de mode, mais ils sont aussi moins chers, donc les universités les aiment bien, au final.
      Dans l'idéal, la crise nous permettrait effectivement de moderniser nos pratiques (même si, depuis une dizaine d'années, les formations visent déjà à le faire, c'est juste qu'une dizaine d'années en terme de changement de culture enseignante, c'est court). Par contre, ça ne sera possible QUE si on forme les équipes, on les soutient, on valorise le travail à sa juste valeur, et on les équipe en matériel info (Cyril sait que mon grand cheval de bataille est que je REFUSE de payer mon outil de travail, c'est à mon employeur de le faire). Sinon, on va mettre des choses en ligne à bas coût, nos étudiant.e.s les plus fragiles vont décrocher, et nous allons nous retrouver encore plus en surcharge de travail, sauf si on fait mal ce travail...

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