lundi 1 mars 2021

Condamné

 Libé a réveillé le Landerneau politique ce week-end en faisant sa Une sur les électeurs du 7 mai 2017 "honteux et confus, jurant mais un peu tard qu'on ne les y prendrait plus". A un peu plus d'un an, les langues se délient, à défaut de sondage, et une grande partie de la Gauche ayant participé au "barrage républicain" du 7 mai 2017 se refuse d'envisager le même sort. Sans trop de surprise, je suis de cette Gauche. J'en suis car depuis 2002 je jure moi aussi qu'on ne m'y reprendra plus (et pourtant on m'y a repris 15 ans plus tard).

Rempart en 2002 contre Le Pen Père, j'ai vu les gouvernements de Chirac mettre tout doucement en place la petite musique du Sarkozysme. Elu massivement par des citoyens attachés à leur République, le quinquennat fut un calvaire sans nom qui servit de rampe de lancement à Nicolas Sarkozy (à qui je dédie le titre de ce billet). Un Front Républicain ne peut fonctionner que si l'on prend en compte toutes les composantes de ce Front et pas uniquement ses voix le jour du scrutin.

En 2015, lors des régionales, ayant bien conscience d'avoir déjà donné pour rien ma voix contre le Front National, j'étais bien content de ne pas être électeur en région PACA ou Hauts de France et ne pas avoir à subir le retrait de mon camp. A l'époque j'écrivais un billet déplorant le principe de "désistement républicain". On notera que dans le Sud, c'est Christophe Castaner qui acceptait l'absence de représentant de gauche au second tour pour laisser la place à Christian Estrosi accompagné à l'époque du Modem, allié d'En Marche aujourd'hui. En 2015, nous faisions face à un drôle de Front Républicain où la Gauche acceptait de se retirer pour laisser la place à un duel Droite contre Extrême-Droite là où l'on sait très bien que la dite Droite n'aurait jamais fait de même.

En 2017, l'effondrement des Gauches et de la Droite traditionnelle laissait un boulevard pour ce jeune candidat révélé par la Gauche. Je dois l'avouer, c'est cette caution qui m'a convaincu de lui donner ma voix au second tour quand je jurais sur tout ce qui m'est cher que je ne voterai pour aucun des candidats si le duel final devait avoir pour affiche Le Pen Fille et Fillon. A l'époque je savais déjà qu'un pseudo programme "ni de gauche ni de droite" était promesse d'une politique "de droite et de droite". Naïf, j'avais encore espoir que cette jeune troupe biberonnée à la droite la moins réac socialement et à la gauche la plus à droite économiquement donnerait une politique économique de droite mais avec un certain respect des gens. 

Après presque 4 années passées, je ne peux que m'avouer berné. Nous avons depuis mai 2017 un président n'hésitant pas à aller aussi loin (pour ne pas dire plus loin) que Fillon sur certaines réformes (suppression de l'ISF, réforme de l'assurance chômage) mais qui n'hésite pas non plus à suivre les thèmes de l'extrême-droite (sécurité globale, séparatisme) allant même jusqu'à reprendre leur mépris pour le savoir et le monde de la recherche en sciences sociales. Ce gouvernement méprise l'écologie (glyphosate, néonicotinoïde et dernièrement la non prise en compte des travaux du Conseil Citoyen pour le Climat), méprise les jeunes (les propos de Macron, la baisse des APL, le refus d'autoriser les RSA pour les moins de 25 ans) et brutalise manifestants et migrants.

En réaction au dossier de Libé, les Marcheurs essayent de faire croire que cette Gauche est en perte de ses repères, qu'elle a oublié ses luttes historiques. Au contraire, c'est parce que ces gens de Gauche se souviennent de pourquoi ils sont de Gauche qu'ils ne veulent plus tomber dans ce piège. Ce n'est pas encourageant des Darmanin, Blanquer, Vidal à reprendre les thématiques d'extrême-droite de Le Pen ou Zemmour que la Gauche se sentira protégée des actions du FN. Ce n'est pas parce qu'on s'autoproclame porte étendard de la lutte contre l'extrême-droite qu'on lutte réellement. Leurs faits et gestes sont plus éloquents que leurs paroles.

En revanche, cet article envoie un véritable signal d'alarme à Gauche. Si les électeurs ne sont pas prêts à participer au remake du 7 mai 2017, cela signifie qu'ils attendent un vrai rempart à gauche et non pas une multitude de citadelles éparpillées sur la carte politique française. Cet article condamne la Gauche à s'unir. A s'unir pour gagner la présidentielle ou au moins à faire bonne figure, mais aussi à s'unir pour la législature qui accompagnera le prochain quinquennat. Cela signifie que l'union devra porter plus loin qu'un candidat unique à l'élection présidentielle pour proposer également un véritable accord programmatique avec des points de passage obligatoires et des lignes rouge à ne pas franchir. Ce cadre programmatique devra permettre aux élections législatives de 2017 de dessiner plus finement la physionomie de l'Assemblée Nationale qui aura alors le champ libre pour débattre des futures lois et des futurs aléas pouvant survenir dans un quinquennat tout en ayant un cadre et un ordre de mission clair.

C'est un magnifique appel que nous, électeurs de Gauche, lançons aux partis de Gauche. Via ces témoignages, nous disons que le duel Macron - Le Pen n'est pas la seule issue possible encore faut-il qu'un véritable travail en commun soit réalisé.